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[VEILLE INTERNATIONALE] Focus sur le Creative Aging aux États-Unis


Mouvement émergent, le Creative Aging (ou Creative Ageing) vise à promouvoir le bien-être des personnes âgées à travers l'art et la créativité. Inspirée par les travaux du psychiatre américain Gene D. Cohen, cette approche repose sur l'idée que l'engagement dans des activités artistiques de qualité, conduites par des artistes professionnels, peut stimuler le cerveau et améliorer la qualité de vie des personnes âgées. Des programmes à travers les États-Unis ont démontré les bénéfices tangibles de cette approche. Le mouvement se déploie à l'échelle internationale, soulignant ainsi son impact global croissant.


Introduction au Creative Aging


"It is not old age per se that reduces the brain’s functioning. 

It’s stagnation that threatens the brain (…).

This is why quality arts programming is so essential in the late years of life (…)"

Susan Perlstein, fondatrice de Elders Share the Arts et co-fondatrice du National Centre for Creative Aging (Etats-Unis)



Lorsque j’ai entamé en 2020, dans le contexte tragique de l’isolement social extrême des personnes âgées, ma veille sur les initiatives et recherches consacrées à l’inclusion des personnes âgées à travers l’art et la culture, j’ai rapidement découvert le concept du Creative Aging (que l’on pourrait traduire par « vieillissement créatif »). 


A l’international, le mouvement du Creative Aging essaime depuis une quinzaine d’années. 


Ruth's Table

A son échelle, il a pour ambition de contribuer, à travers l’art et la créativité, à l’amélioration de la santé et du bien-être des personnes âgées, accompagnant ainsi les défis sociétaux majeurs qu’impose la transition démographique imminente. En effet, selon l’OMS, en 2030 une personne sur six dans le monde sera âgée de 60 ans ou plus.


A quelles personnes âgées s’adresse le Creative Aging ?


Indépendamment des difficultés posées par la segmentation et des problématiques de discrimination lorsqu’on parle de personnes âgées ou d’aînés (le monde anglo-saxon a proposé une solution intéressante à la problématique terminologique en employant le terme older adults), les contours des publics destinataires de programmes de Creative Aging semblent souples : si certains s’adressent aux adultes de plus de 55 ans « en pleine forme », suivant des objectifs de prévention, d’autres se concentrent sur les personnes en situation de fragilité, et/ou relevant du grand âge.


Né aux Etats-Unis, le mouvement a pu se développer grâce au soutien décisif du National Endowment for the Arts (Fonds national pour les arts) qui a largement contribué au financement de la recherche sur le sujet. 


Aux origines du Creative Aging : une vision plus optimiste de la vieillesse



Pour en comprendre la nature, revenons à ses origines et à l’un de ses pères fondateurs : le psychiatre américain Gene D. Cohen (1944–2009).

Gene D. Cohen fut le directeur du premier institut pour la santé mentale et le vieillissement financé par des fonds publics au monde (Center on Aging at the National Institute of Mental Health) et directeur fondateur du Center for Aging, Health and Humanities de l'université George Washington . Aux côtés de nombreux textes académiques, il publia deux ouvrages phares sur les potentiels de l’âge : The creative age. Awakening human potential in the second half of life (2000) et The mature mind. The positive power of the aging brain (2005).  



Pionnier dans le domaine de la psychiatrie gériatrique, il a largement ouvert la voie à une vision différente, plus optimiste, de la vieillesse. Analysant les attitudes et la recherche sur le vieillissement depuis les années 1970, il observe une évolution dans la compréhension des potentiels liés à l’avancée en âge : “The transition from seeing negative changes with aging as being one’s destiny to a new view of modifiable age-associated problems was a huge leap in itself. (…) The next step was another big leap: to the recognition that aging could be accompanied by potential beyond problems.”


A la naissance du Creative Aging : la première étude scientifique jamais réalisée sur l’art et la vieillesse


Ainsi mène-t-il au début des années 2000 la première étude jamais réalisée visant à mesurer l'impact d’activités artistiques sur l’état de santé général, la santé mentale et le sentiment de bien-être chez les personnes âgées de 65 ans et plus : The Creativity and Aging Study. The Impact of Professionally Conducted Cultural Programs on Older Adults (2006). Nous nous permettons de préciser ici qu’il ne s’agissait pas ici de mesurer l’impact d’activités d’art-thérapie. Issue d’un accord de coopération entre le National Endowment for the Arts et l'Université George Washington, l’étude est menée à l’échelle des Etats-Unis, et analyse les effets bénéfiques de la participation à des projets conduits par des artistes professionnels issus notamment des domaines des arts visuels, de la littérature, de la musique, et du théâtre.


Et Gene D. Cohen d’en conclure :

These results indicate that these community-based art programs run by professional artists can have powerful positive intervention effects, with the benefits being true gains in health promotion and disease prevention. In that they also show stabilization and actual increase in community-based activities in general in the art groups, the results reveal a positive impact on maintaining independence and on reducing dependency. Thus, these community-based cultural programs for older adults appear to be reducing risk factors that contribute to the need for long-term care.”

Décédé d’un cancer à l’âge de 65 ans, il aura dédié plus de 10 ans de sa vie à démontrer les bienfaits de l'art et de la créativité sur la santé des personnes de plus de 65 ans.


Le paysage du Creative Aging aux Etats-Unis aujourd’hui


Lifetime Arts. Credit: Herb Scher


De nos jours, c’est tout un réseau d’acteurs qui s’est structuré et qui collabore avec les collectivités et les lieux culturels pour lutter contre l’âgisme et favoriser le bien vieillir. 


Aujourd’hui, à notre connaissance, figurent parmi les acteurs clefs : 


  • Lifetime Arts est une association basée à New York, dédiée à la promotion du lifelong learning et de l'expression artistique pour les plus de 55 ans (oui, vous avez bien lu, les plus de 55 ans !). 

Proposant un véritable centre de ressources, leurs activités sont structurées autour des piliers suivants : conseil, accompagnement et fundraising pour les lieux culturels et collectivités souhaitant mettre en place des programmes de Creative Aging et de formation pour artistes professionnels nommés “teaching artists”.We envision a world where arts education is embraced as a human right and as an essential factor in older adults’ health and well-being”, peut-on lire dans leur manifeste.

Nous avons eu l’honneur d’échanger avec Maura O’Malley, co-fondatrice, invitée à prendre la parole au sein d’une table ronde organisée et modérée par votre serviteur pour le salon Museum Connections, dont vous pourrez visionner le replay ici.

Nous présenterons dans un prochain article un projet majeur auquel Lifetime Arts a contribué, associant 25 musées à l’échelle des Etats-Unis.  


  • Parmi les fondations, citons E.A. Michelson Philanthropy (anciennement Aroha Philanthropies), fondée par Ellen Michelson il y a une dizaine d’années.

Basée à Minneapolis, mais œuvrant à l’échelle fédérale, la fondation s’est donné pour mission de combattre l’âgisme, de soutenir financièrement et d’accompagner les lieux culturels développant des programmes envers les personnes de plus de 55 ans. Depuis 2012, plus de 19 millions de dollars ont ainsi été distribués à plus de 100 lieux culturels oeuvrant dans divers secteurs aux Etats-Unis, parmi eux le Brooklyn Museum, le LACMA, le Nelson-Atkins Museum of Art, ou encore The Metropolitan Opera de New York.


Nous avons pu repérer d’autres initiatives et acteurs dans des domaines artistiques variés tels que Timeslips, Stagebridge, Iona Services, Ruth’s Table, Dance for PD, Arts for the Aging, sans oublier Meet Me, programme proposé par le MoMA, sur lequel nous aurons l’occasion de revenir ultérieurement.


Conclusion : le Creative Aging à l’international


Avec les Etats-Unis pour chef de file, le mouvement essaime à l’international.

D’après nos recherches, il s’est développé avec des structures très actives se réclamant explicitement du Creative Aging et impliquant des artistes professionnels dans le monde anglo-saxon et dans certains pays d’Europe sous des formes diverses et s’adressant à des typologies de publics variés.


Nous aurons l’occasion d’étudier dans de prochaines infolettres des projets relevant du Creative Aging, en proposant des compte-rendus de conférences, des études de cas, des entretiens, etc. 






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